Les grandes tendances télé 2024 : le direct repart à l’assaut, pendant que les plateformes affûtent leurs algorithmes

En 2023, 82 % des foyers français ont regardé chaque semaine au moins un programme en direct (source Médiamétrie), alors même que Netflix vient de franchir la barre des 10 millions d’abonnés dans l’Hexagone. Ce grand écart illustre la première des tendances télé 2024 : la coexistence explosive entre linéaire et streaming. Les audiences se fragmentent, les formats se transforment, mais le petit écran reste notre miroir favori. Plongée, chiffres à l’appui et anecdotes en poche, dans un paysage audiovisuel en pleine mue.


Formats feel-good : pourquoi la bienveillance cartonne-t-elle autant ?

Les soirées de 2024 se déclinent en « comfort TV ». Sur TF1, « The Voice All Stars » a réuni 4,3 millions de spectateurs le 6 avril, soit +18 % sur la cible commerciale 25-49 ans. Même logique sur France 2 : « Drag Race France » dépasse désormais le million de fidèles en linéaire et triple ce score en replay.
Les clés du succès ?

  • Un storytelling d’empowerment (autonomisation, encourager les talents).
  • Des mécaniques de compétition « soft », avec jurés empathiques plutôt que tueurs.
  • Une réalisation pensée pour TikTok : plans serrés, climax visuels, extrait de 30 secondes prêt à viraliser.

Ironie douce : plus la société paraît anxieuse, plus le public cherche la bulle de bien-être cathodique. J’y vois un effet miroir similaire à celui des comédies hollywoodiennes pendant la Grande Dépression (1930). La télé réinvente simplement la recette en ajoutant l’interactivité sociale : votes sur X (ex-Twitter), filtres Instagram officiels, live-tweet communautaire.

L’influence décisive de la mesure d’audience 4 écrans

Depuis janvier 2024, Médiamétrie intègre le visionnage sur consoles et TV connectées dans ses rapports quotidiens. Résultat : certains programmes « culte mais confidentiels » changent soudain de catégorie. Arte a découvert que son docu-série « Emoji Nation » réalise 45 % de son audience sur Smart TV hors prime time ! Les programmateurs, armés de ces datas, n’hésitent plus à commander des saisons courtes (8 x 26 min) au lieu des traditionnels 52 minutes, histoire d’optimiser le « binge-potential ».


Le grand retour du direct : antidote à l’algorithme ou simple nostalgie ?

En un an, les créneaux de prime en direct ont bondi de 22 % sur les chaînes historiques françaises. Même Amazon, avec sa chaîne Twitch « Popcorn TV », rappelle l’urgence du live : rendez-vous hebdo, réactions instantanées, chat effervescent.

D’un côté, les dirigeants de France Télévisions parient sur l’événement : Jeux olympiques de Paris 2024, concerts-hommage, débats citoyens. De l’autre, Netflix teste « Netflix Live » à Los Angeles, laboratoire interactif où les abonnés votent en temps réel pour la suite d’un stand-up.

Pourtant, la techno ne suffit pas. Ce qui fédère, c’est la promesse du « moment partagé ». Nous voulons vibrer ensemble, commenter ensemble, quitte à subir une pub supplémentaire. C’est, à mon sens, l’héritage direct des grands-messieurs des années 90, type Jean-Luc Delarue ou Michel Drucker, remis au goût du jour par la grammaire des réseaux.


Streaming ou TV linéaire : faut-il vraiment choisir en 2024 ?

Spoiler : non. Les chiffres récents le prouvent.

  • 56 % des 18-34 ans déclarent jongler entre replay, FAST TV* et direct (baromètre CNC 2024).
  • Le temps moyen passé sur les plateformes atteint 1 h 18 par jour, pendant que le linéaire se maintient à 2 h 12.
  • 7,4 millions de Français utilisent quotidiennement la fonction start-over (retour au début du programme en cours).

*FAST TV : chaînes gratuites et financées par la pub, diffusées en continu sur des applis comme Pluto TV ou Samsung TV Plus.

Comment les chaînes historiques répliquent-elles ?

  1. Lancement de chaînes thématiques FAST (ex : « Top Chef Pop Up » sur 6play).
  2. Co-production internationale pour amortir les coûts : la saison 3 de « Opéra » (OCS), tournée à Montréal, bénéficie d’un financement canadien.
  3. Déploiement d’algorithmes de recommandation maison : France .tv suggère désormais des programmes selon l’heure et le lieu (oui, la géolocalisation contrôlée arrive même chez le service public).

Le téléspectateur en 2024 devient donc un « zappeur savant », capable de passer du direct à la VOD en un clic, sans état d’âme. Mon pari personnel : les frontières vont s’effacer, jusqu’au jour où l’on parlera simplement de « contenu vidéo », comme on ne distingue plus vraiment MP3 et streaming audio.


Derrière la caméra, la révolution paritaire s’accélère

Le changement ne se joue pas qu’à l’écran : il se décide dans les couloirs de la création.

  • 42 % des fictions françaises diffusées en prime en 2023 étaient pilotées par une réalisatrice (Observatoire de l’Egalité).
  • M6 s’est engagé à atteindre la parité totale chez ses auteurs de talk-show dès la rentrée 2025.
  • La Guilde des Scénaristes a signé un accord pour imposer un quota de 30 % de personnages principaux issus de la diversité d’ici trois ans.

D’un côté, on applaudit les progrès visibles (merci « HPI » et le duo Audran/Smaga). De l’autre, le plafond de verre subsiste : seulement 18 % des émissions de prime sont produites par des sociétés dirigées par des femmes. La bataille continue, mais la dynamique est réelle, portée par des figures comme Noémie Saglio ou Rachida Krim, souvent invitées dans nos pages culture.


Qu’est-ce que le « binge-talk » et pourquoi tout le monde en parle ?

Le « binge-talk » désigne ces talk-shows découpés en séquences de 12 minutes, publiés d’un coup sur YouTube ou MyCanal. Concept hybride, au croisement de « C à Vous » et du podcast.
Avantage : consommation flexible, forte monétisation via pre-roll publicitaire.
Inconvénient : dilution de l’événement direct, engagement moindre sur la durée.

Franceinfo a lancé « Le Big Débrief » en janvier 2024 ; brut, humour, fact-checking – 1,5 million de vues cumulées le premier week-end. Un indice de plus que la frontière entre télévision et vidéo sociale s’évapore, exactement comme les séries autrefois cantonnées au prime ont glissé vers la SVOD.


D’un côté… mais de l’autre…

D’un côté, les chaînes célèbrent l’instantanéité, l’émotion brute, le direct à tout-prix.
Mais de l’autre, les plateformes investissent dans des narrations longues, ultra-segmentées, prêtes à être visionnées sans pub.
Entre les deux, le téléspectateur construit son propre menu : un zeste de sport live sur France 2, un thriller scandinave sur Arte.tv, un détour par « The Bear » sur Disney+. Cette autonomie rebat les cartes de la fidélité : ce n’est plus la chaîne qui fidélise, c’est la marque-programme.


À retenir : les 5 signaux forts de 2024

  • Live first : +22 % de prime en direct chez les chaînes historiques.
  • Feel-good power : formats inclusifs, audiences en hausse de 15 % sur la cible 15-24 ans.
  • Parité en coulisses : 42 % de réalisatrices, record absolu.
  • FAST TV en plein boom : 13 % de part d’usage sur la tranche 20 h-22 h.
  • Binge-talk : le talk-show séquencé conquiert YouTube et MyCanal.

Je pourrais continuer des heures, tant le kaléidoscope télévisuel ne cesse de bouger. Mais la vraie question est désormais la vôtre : quel bouton de télécommande (ou quelle tuile d’appli) allez-vous cliquer ce soir ? J’ai déjà préparé ma playlist : un peu de direct pour frissonner en temps réel, un soupçon de drama danois pour l’intensité, et, qui sait, un binge-talk avant de dormir. On s’en reparle très vite, même fréquence, même passion.