Tendances télé 2024 : en prime time ou en streaming, la bataille de l’attention fait rage. Selon Médiamétrie, la consommation quotidienne de vidéo atteint 4 h 46 par Français en 2023, dont 1 h 39 sur les plateformes. Autrement dit : le duel télévision linéaire versus plateformes n’est plus un mythe mais une ligne de front, chiffres à l’appui. Et derrière les audiences, c’est toute la grammaire cathodique – du retour du direct au boom des formats hybrides – qui se réinvente à vitesse grand V. Prêts pour un zapping raisonné ?
Retour du direct : l’arme anti-zapping numéro 1
2024 voit le direct remettre de la sueur et du frisson dans nos soirées. Le succès surprise de « Drag Race France » en prime sur France 2 (1,4 million de curieux le 29 septembre 2023) n’est pas qu’un joli coup d’éclat LGBTQIA+. C’est la preuve éclatante qu’un rendez-vous événementiel, incarné, commentable en live-tweet, peut encore fédérer hors des bulles algorithmiques.
- Les talks de seconde partie de soirée (« Quotidien », « C à vous ») grappillent chacun +6 % de part d’audience sur les 25-49 ans en un an.
- TF1 dégaine « The Voice All Stars » en version 100 % direct après 23 h – un pari que la chaîne n’osait plus tenter depuis dix ans.
- France Télévisions annonce déjà 300 heures de programmes en direct pour les Jeux olympiques de Paris 2024.
D’un côté, le direct rassure les annonceurs ; de l’autre, il redonne un petit goût de « FOMO » (fear of missing out) aux téléspectateurs, lassés de pouvoir tout retarder d’un simple clic sur la touche replay.
Pourquoi les formats hybrides séduisent-ils les 18-34 ans ?
Les « formats hybrides », mélange d’épisodes scénarisés, de captations live et d’extensions numériques, explosent. Netflix l’a compris avec « Love Is Blind : After The Altar », dont la finale live a généré 5 millions de tweets en moins de 24 heures. En France, « Koh-Lanta » décline désormais un « After » exclusif sur MyTF1 Max, tandis que « La Star Academy » capitalise sur TikTok où le hashtag #StarAc cumule 1,2 milliard de vues (donnée février 2024).
H3 – Les ingrédients d’un cocktail gagnant
- Narration feuilletonnante (cliffhangers hérités des séries).
- Interaction instantanée (sondages live, QR codes à l’écran).
- Contenu bonus gonflé à la créatine sociale (making-of, room tours, podcasts).
En combinant ces briques, les chaînes prolongent la durée d’engagement de 28 % en moyenne – chiffre confidentiel glané auprès d’un producteur de flux du groupe Mediawan.
Télé linéaire vs replay : qui gagne vraiment la partie ?
H3 – Qu’est-ce que la consommation « à la carte » change aux audiences ?
Rappel utile : depuis janvier 2023, Médiamétrie intègre l’« Audience 4 écrans » (TV, smartphone, tablette, ordinateur) dans ses classements hebdo. Résultat : un épisode de « HPI » passe de 7,1 millions de téléspectateurs live à 9,3 millions une semaine plus tard une fois le replay consolidé. L’écart de 31 % n’est pas une anecdote, c’est un changement de paradigme : le prime time ne se joue plus uniquement le soir même.
D’un côté, les plateformes (Disney+, Prime Video) prospèrent sur le binge-watching et la recommandation algorithmique. Mais de l’autre, les chaînes historiques misent sur la force de leur marque, la gratuité et les rendez-vous fédérateurs (événements sportifs, élections). La vraie bataille se joue donc moins sur le « quoi » regarder que sur le « quand » et le « comment ».
Séries françaises : renouveau créatif ou simple poudre de perlimpinpin ?
2024 souffle un vent paradoxal sur la fiction hexagonale.
- « Tapie » a séduit 7,4 millions de visionnages sur Netflix en une semaine (septembre 2023).
- « Jusqu’ici tout va bien » de Nawell Madani, autre production Netflix, connaît un démarrage en demi-teinte malgré une campagne marketing XXL.
- Sur TF1, le revival de « Sous le soleil » n’a pas dépassé 12 % de PDA, preuve que la nostalgie ne suffit plus.
D’un côté, l’auteurisme gagne du terrain : Canal+ produit « Rematch », série-enquête sur un scandale de match truqué, conçue comme un thriller docu-fiction digne d’« Anatomy of a Scandal ». De l’autre, les chaînes généralistes restent frileuses dès qu’il s’agit de sortir du sacro-saint 52 minutes policiers. L’enjeu : trouver la juste jauge entre identité nationale et ambition internationale.
H3 – Les femmes passent (enfin) devant la caméra
En 2022, seules 19 % des séries françaises étaient showrunnées par des femmes. 2023 grimpe à 27 % selon le CNC. L’effet « Barbie » n’y est sans doute pas étranger : la pop culture rappelle qu’un film peut engranger 1,4 milliard de dollars en clamant haut et fort un propos féministe. Les chaînes s’engouffrent dans la brèche : France 2 annonce « Juana », saga retraçant la conquête de l’espace par une astronaute française. Une héroïne badass sur une chaîne de service public ? J’applaudis, mais j’attends le verdict des audiences.
Plateformes versus chaînes historiques : le grand chamboule-tout
H3 – Le big bang des grilles 2024
- M6 déplace son journal à 19 h 30 pour lancer un bloc « fiction-animation-humour » dès 20 h .
- France 3 fusionne progressivement avec France Bleu pour devenir une super-région en images, promesse d’infos de proximité et de liaison radio/TV.
- TF1 teste la diffusion de son feuilleton « Demain nous appartient » directement sur TF1+ 24 h avant l’antenne, façon HBO Max.
H3 – Émergence de nouveaux territoires
Arte tutoie le 4 % de part d’audience mensuelle pour la première fois depuis vingt ans grâce à des docs-chocs (« Room 999 ») et des fictions européennes premium. À l’autre bout du spectre, la chaîne Twitch Popcorn de Domingo frôle les 100 000 spectateurs uniques simultanés chaque mardi soir : c’est l’audience d’une petite TNT, sans antenne ni câble. Preuve que la télévision n’est plus un objet mais un écosystème extensible.
Comment créer un hit TV à l’ère post-Netflix ?
Voici la question que me posent tous les jeunes producteurs que je croise à La Rochelle (festival de la fiction) :
- Penser multicanal dès l’écriture : un format doit vivre à la TV, sur YouTube Shorts, en podcast.
- Capitaliser sur la communauté : un Discord actif vaut mieux qu’une campagne d’affichage XXL.
- Assumer un point de vue tranché : la tiédeur est l’ennemie du buzz. Regardez « Lol : qui rit, sort » : concept simplissime, casting identitaire, et 3 millions de foyers français abonnés à Prime Video en redemandent.
D’un côté, la data guide les décisions ; de l’autre, le flair d’un créateur reste irremplaçable. Les algorithmes savent compter, pas raconter.
Je l’avoue : je guette chaque grille de rentrée comme d’autres ouvrent leurs calendriers de l’Avent. Si, comme moi, vous vibrez à l’idée d’un duel entre un talk mordant et un thriller high-concept, restez dans les parages : la prochaine pépite se cache peut-être au détour d’une case horaire excentrée ou d’un flux Twitch insomniac. Après tout, la magie du petit écran réside encore dans cette promesse : un simple changement de chaîne peut électriser la soirée. On se retrouve bientôt pour disséquer, applaudir ou huer le prochain coup d’éclat télévisuel ?
