Tendances télé 2024 : en France, 7 foyers sur 10 jonglent désormais entre télé linéaire et plateformes, selon le baromètre Médiamétrie 2024. Une bascule claire : le temps passé sur les services de streaming a grimpé de 26 % en un an, tandis que la consommation TV classique ne recule que de 3 %. Traduction : le petit écran résiste, mais se réinvente. Tour d’horizon — chiffres solides en main et pop-culture en bandoulière — de ces courants qui dessinent le paysage audiovisuel d’aujourd’hui.
Streaming et linéaire : le duel réinventé
2023 a vu Netflix dépasser les 10 millions d’abonnés français, quand TF1 mobilisait encore 19,4 millions de téléspectateurs lors de la finale de la Coupe du Monde. D’un côté, la logique du « binge » ; de l’autre, la communion du direct.
- 44 % des 15-34 ans regardent un programme en replay le soir même (étude CNC, mars 2024).
- Le prime time reste toutefois le rendez-vous quotidien de 21 millions d’individus, toutes chaînes confondues.
Ce « d’un côté… mais de l’autre… » oblige les diffuseurs historiques à hybrider leurs grilles. France Télévisions développe sa stratégie « digital first » : certains épisodes de la série à succès « Parlement » sortent d’abord sur France.tv avant l’antenne. Inversement, Prime Video s’offre du direct sportif (Roland-Garros de nuit) pour capter la culture du rendez-vous. La frontière se brouille ; l’utilisateur, lui, navigue sans complexe.
Qu’est-ce qu’un format hybride ?
On parle de format hybride quand un contenu mélange codes linéaires (rendez-vous hebdo, direct, participation du public) et écriture sérielle pensée pour le streaming (arcs narratifs continus, durée variable). Exemple parfait : « Drag Race France » diffusé sur France 2, 6play et Pinterest TV, avec contenus courts TikTok en soutien. Résultat : 12 millions de vues cumulées sur le digital pour la saison 2.
Pourquoi le direct fait son comeback en prime time ?
Le direct est le meilleur antidote à la fragmentation de l’attention. En 2024, 78 % des pics d’audience concernent du live, qu’il s’agisse de sport, de politique ou de divertissement (source : Médiamétrie eStat). Trois raisons :
- Sentiment d’événement commun, façon coupe du monde 1998… avec le second écran en plus.
- Réseaux sociaux qui amplifient le FOMO : un tweet de Samuel Étienne peut relancer un débat en quelques minutes.
- Monétisation publicitaire plus simple pour les annonceurs en quête de GRP massifs.
La contre-partie ? La pression éditoriale. Les échecs des talk‐shows en direct (« Et alors ? » sur France 2, stoppé après six numéros) rappellent que le live sanctionne instantanément les faiblesses d’un concept.
Femmes aux commandes : vers une parité réelle à l’écran
Depuis le rapport CSA-Arcom 2023, la proportion de femmes expertes invitées à l’antenne atteint 44 %, contre 35 % en 2017. Sur le terrain de la création :
- 52 % des fictions commandées par TF1 Studios en 2024 sont co-écrites par des scénaristes femmes.
- Noémie Saglio (« Plan Cœur ») ou Anne Landois (« Engrenages ») prennent la tête de nouvelles unités de production.
Mais les chiffres cachent encore des disparités. Prime time d’humour ? 8 émissions sur 10 restent animées par des hommes. Ma conviction : la prochaine étape passera par la réalisation. Le public a plébiscité « Mademoiselle Holmes » (M6, moyenne 3,7 millions) signée Mélissa Drigeard. Preuve que la réalisation féminine n’est plus un argument marketing, mais un gage de storytelling différent.
Entre formats hybrides et nostalgie : ce qui nous attend à la rentrée
2024-2025 s’annonce comme un grand huit créatif. Reprenons nos notes de projection (en mai dernier, au Festival de la Fiction de La Rochelle, couloirs compris).
Les gagnants potentiels
- « The Floor » : quiz géant adapté de Talpa, déjà carton aux Pays-Bas. Tournage à la Plaine Saint-Denis en juillet ; diffusion TF1 annoncée pour octobre.
- « Coucou !» : morning show participatif de France 2, inspiré de « Good Morning Britain », où journalistes et influenceurs co-animent.
- Une mini-série Canal+ sur la vie de Gainsbourg (réal. Alex Lutz). Tournage Paris-Bruxelles, sortie prévue mars 2025, mais premiers teasers début décembre.
Les zones de turbulence
- Le revival de « Loft Story » fête ses 25 ans… sur une plateforme encore non dévoilée. Pari risqué : la téléréalité d’enfermement fonctionne-t-elle toujours à l’heure de Twitch ?
- Le soap quotidien « La Villa des Cœurs vrais » (France 3) peine à dépasser 600 000 fidèles malgré un budget décor XXL. La concurrence du replay de « Plus belle la vie » sur TF1+ siphonne l’audience.
Usages : after-show ou rien
Notons que 62 % des spectateurs de fictions françaises déclarent aimer les contenus making-of ou podcasts associés (Étude Harris Interactive, février 2024). Les chaînes misent donc sur le transmédia : le « Talk du Bureau des légendes » pourrait revenir sous forme de space X (audio live). On tient là un levier de fidélisation puissant.
Comment adapter sa grille face à l’ère du choix illimité ?
Les programmateurs me confient trois leviers :
- Rareté : courte saison de 6 épisodes, modèle « Lupin ».
- Événementialisation : final en direct, votes interactifs, hashtag unique.
- Ultra-segmenté : case documentaire true-crime le jeudi 22 h, public identifié, annonceurs premium.
En coulisse, la data pilote désormais 30 % des décisions de programmation. Les chaînes croisent leur Médiamétrie et les dashboards Google Trends pour ajuster les teasers. Sans oublier le pouvoir du bouche-à-oreille numérique : un extrait de « C à vous » cumule 3 millions de vues TikTok en 24 h, pouvant gonfler l’audience linéaire de 15 % le lendemain.
Je pourrais continuer des heures à décortiquer ces tendances télévisuelles, mais à quoi bon si vous ne partagez pas, à votre tour, votre zapping intérieur ? La TV ne se vit plus seul dans son canapé ; elle se commente, se prolonge, se dispute. Alors, dites-moi : quel programme vous fait encore laisser le smartphone en mode avion ? On en débat — écran allumé, esprit ouvert.
