Tendances télé 2024 : alors que 91 % des foyers français possèdent au moins un écran connecté (Arcom, 2023), la télévision n’a jamais autant muté. En prime time ou en scroll nocturne, les regards zappent, mais les récits tiennent bon : 6,6 millions de téléspectateurs ont suivi la finale de « Koh-Lanta » en mai dernier, tandis que « The Last of Us » a signé le meilleur démarrage HBO Max en France. Les chiffres le prouvent : loin d’être ringarde, la petite lucarne se réinvente. Et si on faisait le point sur ce plateau bouillonnant ?
Retour du direct et explosion du streaming : deux faces d’une même pièce
2024, c’est le grand écart permanent :
- D’un côté, le live reprend des couleurs. Le 8 février, le concert caritatif « Tous pour la scène » a réuni 4,2 millions de fidèles sur France 2, boostant la part de marché de la chaîne à 21 %. Le succès du direct rassure les annonceurs et réinstalle la notion de rendez-vous, si chère aux chaînes historiques.
- De l’autre, la SVoD carbure. Netflix dépasse 10 millions d’abonnés français (stat. 2024), et Prime Video, en chassé-croisé, s’offre la Ligue 1 jusqu’en 2029. Le sport, dernier bastion fédérateur, migre ainsi vers le numérique.
Le paradoxe se résume en une image : on tweet pendant « Danse avec les stars » tout en binge-watchant « Fallout » le dimanche matin. Cette cohabitation schizophrène façonne de nouveaux formats : les aftershows interactifs (salut « Drag Race France » sur France .tv Slash) ou les « watch parties » intégrées sur Twitch. La télé connectée n’oppose plus linéaire et à la demande, elle les entremêle.
Le cash des plateformes, la sueur des chaînes
Rappelons deux données clés : en 2023, le marché publicitaire télé a cédé 3 %, tandis que les budgets de production originaux Netflix France ont grimpé de 35 %. Les chaînes privées serrent donc la vis (TF1 a réduit de 12 % les cases de flux en access prime time) et misent sur l’événementiel : JO de Paris, Euro 2024, élection présidentielle 2027 en ligne de mire. L’enjeu ? Rester conversationnels.
Pourquoi les formats hybrides séduisent-ils autant les 18-34 ans ?
Question qui revient sans cesse sur les réseaux : que regardent vraiment les millennials ? Réponse chiffrée : 57 % d’entre eux alternent chaque semaine entre un programme TV linéaire et une plateforme (Ifop, janvier 2024). Les formats hybrides capitalisent sur ce zapping générationnel.
Qu’est-ce qu’un format hybride ?
Un programme qui mélange plateau en direct, participation numérique et narration sérielle. Exemple maison : « Dragons, caméra, action » (TMC), compétition de cosplay diffusée le vendredi soir, puis débrief live sur Discord et making-of sur YouTube. Les raisons du succès ?
- Narration multi-écrans (transmedia)
- Interactivité gratifiante (votes, Q&A avec les candidats)
- Durée modulable (52 minutes TV, 12 minutes web, 90 secondes TikTok)
En clair, on binge un mini-arc, on like, on passe à un autre support. La série « Heartstopper », adaptée du webcomic d’Alice Oseman, a suivi ce schéma : teasers TikTok, diffusion Netflix, recap Twitch. Résultat : +140 % de mentions sur X en moins de 48 heures après la saison 2. La télévision devient un hub, pas une destination unique.
Place des femmes à l’écran : 2024, l’année du passage à l’acte ?
Le rapport du CSA publié en février 2024 l’affirme : 44 % des personnes à l’antenne sont des femmes, contre 40 % en 2021. Un progrès mesuré, mais fragile. Derrière ces pourcentages se cache une bataille pour la représentation qualifiée.
- Sur France 3, « La Doc et le Véto » place une vétérinaire en héroïne principale.
- M6 a confié son prime du dimanche à Nathalie Renoux depuis janvier.
- Disney+ coproduit « Mouna », saga d’action avec Eye Haïdara, première showrunneuse noire à la tête d’une série française grand budget.
D’un côté, les initiatives pleuvent ; de l’autre, les cases experts restent dominées par des hommes (60 % dans les débats politiques). Je me souviens du plateau de « C à Vous » en septembre dernier : trois chefs masculins pour parler gastronomie… alors que Mercotte twittait depuis sa cuisine. Le diable se cache dans ces détails. Il faudra surveiller la rentrée : si la nouvelle matinale de France Info, confiée à Salhia Brakhlia, se hisse au-dessus des 4 % de part d’audience visés, les baromètres pourraient enfin basculer.
Que nous réserve la prochaine grille d’automne ?
Petit avant-goût en exclusivité, glané lors du festival SérieSeries à Fontainebleau :
- TF1 développe « Métavers », jeu d’aventure immersif tourné dans un studio LED similaire à celui de « The Mandalorian ». Lancement prévu mi-octobre.
- Arte prépare un docu-fiction sur Nina Simone, tournage à Berlin et Paris jusqu’en août.
- France 2 ressuscite « Taratata 100 % live » un samedi sur deux, surfant sur le retour du direct musical.
- Prime Video parie sur le revival : « Caméra Café 2.0 », épisodes de 12 minutes, diffusion binge dès novembre.
Flop potentiel ? « House Party France » sur W9, adaptation jugée déjà vieillotte par les beta-testeurs. Mais la télé adore contredire les pronostics : souvenez-vous du scepticisme entourant « Mask Singer » en 2019 (9 millions pour le lancement, record saisonnier).
Perspectives croisées
D’un côté, la télévision linéaire capitalise sur l’événementiel, le direct et le sport ; de l’autre, les plateformes investissent dans des récits feuilletonnants et la personnalisation algorithmique. Entre les deux, le spectateur picore au gré de son humeur, du FOMO et… de son forfait data. La TV n’est plus un meuble du salon, c’est un service à la demande dans la poche.
J’éteins la télé (façon de parler) avec la même impatience qu’un cliffhanger de « Succession ». Les grilles d’automne se dessinent, les plateformes affûtent leurs stratagèmes, et nous, gourmands de récits, sommes plus que jamais aux premières loges. Continuez à zapper, liker, commenter : je reviens bientôt pour décortiquer le prochain virage, pop-corn à la main.
