Tendances de consommation sur Netflix : en 2024, plus de 247 millions d’abonnés avalent en moyenne 3 épisodes d’une série par session, selon les derniers résultats trimestriels de la firme californienne. En France, Médiamétrie note que 61 % des internautes utilisent une plateforme de SVOD chaque semaine, un chiffre en hausse de 6 points sur un an. Ces données confirment la bascule culturelle amorcée il y a déjà une décennie : notre prime time est désormais nomade, personnalisable et, surtout, algorithmique. Voici l’autopsie – enthousiaste mais lucide – d’un phénomène qui redéfinit nos soirées comme nos imaginaires.
De la télé linéaire au marathon : radiographie 2024
Les années 2010 ont vu l’explosion du binge-watching. En 2021, un sondage YouGov indiquait que 37 % des Français avaient déjà regardé une saison complète en 24 heures. Trois ans plus tard, l’obsession ne faiblit pas, mais elle évolue.
- 78 % des 18-34 ans déclarent préférer attendre la saison entière avant de commencer, contre 52 % chez les plus de 50 ans (Étude Harris Interactive, janvier 2024).
- Le mobile domine : 56 % des sessions Netflix sont lancées sur smartphone, même si 85 % finissent sur téléviseur connecté (Panorama NPA Conseil, avril 2024).
- Les créneaux post-22 h explosent : +19 % d’usages nocturnes depuis l’ajout de la lecture accélérée en 2023.
D’un côté, le modèle « tout, tout de suite » draine un public avide de gratification instantanée. De l’autre, Disney+ et HBO Max réhabilitent la sortie hebdomadaire pour créer l’événement (le fameux « watercooler effect »). Résultat : deux rythmes cohabitent. Les plateformes alternent désormais stratégies, parfois au sein d’une même série – « The Bear » (FX/Disney+) a délivré la saison 3 en deux salves, mixant impatience et marathon.
Qu’est-ce que la « fatigue de catalogue » ?
Le concept désigne le moment où l’abondance de choix paralyse l’utilisateur. En 2023, 33 % des abonnés interrogés par Deloitte ont reconnu passer plus de dix minutes à chercher avant de lancer un programme. Le phénomène se traduit par des désabonnements cycliques : on épuise un catalogue, on migre vers un autre, puis on revient lors d’une nouvelle série culte. Netflix en a fait un KPI interne : la retention chuterait de 14 % lorsque l’interface affiche plus de 50 vignettes sans sélection rapide.
Pourquoi la « fatigue de catalogue » pousse-t-elle les abonnés à zapper ?
La réponse tient en trois mots : abondance, redondance, impatience. Quand chaque service accumule suites, reboots et contenus locaux, la promesse de nouveauté s’érode. Les utilisateurs finissent par comparer la plateforme à un supermarché surchargé.
- Abondance : 7 000 titres disponibles sur Netflix France en mai 2024, +12 % sur un an.
- Redondance : 42 % des films sont communs à au moins deux services majeurs (baromètre JustWatch, 2024).
- Impatience : le temps moyen de scroll est passé de 53 secondes en 2019 à 78 secondes aujourd’hui.
Mon expérience ne dément pas ces chiffres. J’ai largué Prime Video après trois mois passés à tourner en rond entre « The Boys » et de vieux Jean-Claude Van Damme. Puis je suis revenue pour « Fallout ». Comme beaucoup, je pratique le « subscription hopping » : je butine, je pars, je reviens, au rythme des exclusivités.
D’un côté… mais de l’autre…
D’un côté, cette volatilité menace la stabilité financière des plateformes. Disney+ a perdu 4 millions d’abonnés au 1er trimestre 2024, principalement en Inde après la perte des droits de cricket. Mais de l’autre, elle stimule la créativité : pour retenir le public, Netflix investit 17 milliards de dollars dans les contenus originaux en 2024, avec un accent sur les productions coréennes et le docu-musical (suivez mes articles connexes sur les biopics d’artistes qui cartonnent).
Algorithmes vs curation humaine : qui guide vraiment nos soirées ?
La recommandation algorithmique reste le moteur n° 1 des vues. Netflix revendique que 80 % de la consommation provient d’une suggestion automatisée. Pourtant, la résistance s’organise. Letterboxd, SensCritique ou encore les chaînes YouTube d’analyse invitent à la découverte manuelle, presque artisanale.
Comment fonctionnent les suggestions ?
Les algorithmes croisent :
- l’historique de visionnage (genre, durée, abandon),
- le device utilisé (mobile, TV),
- le moment de la journée (pause déjeuner, soirée),
- la popularité locale (top 10 national).
À chaque session, un score d’affinité pondère les vignettes. Mais ce modèle crée des bulles culturelles : on me propose sans cesse des thrillers nordiques, alors que je rêve d’un docu mode italien. C’est là que la curation humaine regagne du terrain. Disney+ met en avant ses « Collections » éditées par des programmateurs maison. Arte.tv ou MUBI misent sur un film par jour, sélectionné par un critique. Ce dosage entre maths et goût pourrait devenir la norme : Spotify annonce, pour la musique, un « mix DJ IA + curateur » d’ici fin 2024.
Perspectives : vers un streaming plus vert et plus local ?
L’enjeu énergétique s’invite dans le débat. L’Ademe estime qu’une heure de streaming HD émet 55 g de CO₂ en Europe (rapport 2023). Face aux critiques, Netflix teste l’auto-réglage de résolution en fonction du type de réseau. Parallèlement, les productions locales explosent :
- 40 % des contenus Netflix visionnés en France en 2023 étaient francophones.
- Prime Video a ouvert un nouveau hub à Culver Studios mais annonce 300 millions d’euros pour ses séries européennes.
- Canal+ renforce sa stratégie d’exclusivités (cf. la récente acquisition de « Tapie » avant diffusion internationale).
Le futur pourrait combiner écoresponsabilité et ancrage régional : serveurs moins gourmands, catalogues géolocalisés, et un retour du live. La Ligue 1, diffusée sur Prime Video jusqu’en 2027, prouve que le direct conserve son pouvoir de rendez-vous social, même sur des plateformes à la demande.
Je termine ce tour d’horizon le casque toujours vissé aux oreilles, prêt à sauter d’un écran à l’autre pour la prochaine pépite. Et vous ? Plutôt binge nocturne ou dégustation hebdo ? Partagez votre rituel, on continue la discussion dans le flux – l’algorithme ne nous séparera pas !
