Tendances de consommation sur Netflix : en 2024, la plateforme a dépassé le cap symbolique des 270 millions d’abonnés payants, selon ses résultats financiers publiés en avril. Mieux : 42 % de ses utilisateurs déclarent regarder au moins trois épisodes d’affilée chaque jour, d’après une étude YouGov datée de janvier. Ces chiffres vertigineux dessinent un nouveau rapport au temps libre, aux œuvres et — soyons honnêtes — à nos canapés. Reste à comprendre comment Netflix et ses concurrents transforment nos soirées, nos conversations et, plus largement, la culture populaire.
Zoom sur les chiffres 2024 de Netflix
Un empire qui ne cesse de croître
- 270 M d’abonnés payants (au 31 mars 2024)
- 9,37 Md $ de chiffre d’affaires trimestriel, en hausse de 14 % sur un an
- 55 % de parts de marché du streaming par abonnement en France, devant Disney+ (23 %) et Prime Video (18 %), selon Médiamétrie
Ce succès tient autant à la production originale — Squid Game en 2021, Mercredi en 2022, The Night Agent en 2023 — qu’à une stratégie d’expansion internationale agressive. Depuis l’ouverture de son hub de Madrid en 2019 puis celui de Varsovie en 2022, la firme de Los Gatos finance massivement les talents hors Hollywood. Résultat : en 2024, 58 % des heures vues proviennent de contenus non anglophones. La « localisation » n’est plus un simple doublage : c’est un moteur de croissance.
Des formats qui s’adaptent à l’attention fluctuante
Au-delà des séries, Netflix a boosté ses documentaires musicaux : Wham!, Lewis Capaldi et bientôt un biopic filmé sur BLACKPINK (annoncé pour novembre 2024). Objectif : capter les fans déjà hyper-connectés entre TikTok et Spotify. Le format long n’a donc pas dit son dernier mot, à condition d’être hyper-segmenté.
Pourquoi le binge-watching redéfinit-il nos soirées ?
Qu’est-ce que le binge-watching ? Le terme décrit l’enchaînement de plusieurs épisodes sans interruption — le « gavage de séries », popularisé en 2013 avec House of Cards. En 2024, 7 utilisateurs Netflix sur 10 admettent binge-watcher au moins une fois par semaine (baromètre Statista, février).
Effets collatéraux :
- D’un côté, un sentiment de maîtrise du temps (je choisis quand et comment je regarde).
- De l’autre, une fatigue de décision quand l’offre explose (le fameux « scroll infini »).
Psychologues et chronobiologistes alertent : l’exposition continue à la lumière bleue retarde l’endormissement de 45 minutes en moyenne. Pourtant, la gratification instantanée — le cliffhanger résolu dix minutes plus tard — l’emporte souvent sur la vigilance santé. La réussite de la mini-série Baby Reindeer (sortie le 11 avril 2024, 22 M de vues en trois jours) illustre ce paradoxe : plus c’est sombre, plus c’est addictif.
Algorithmes vs curation : qui pilote vraiment nos écrans ?
Le règne du code
Netflix revendique 80 % de contenu consommé après recommandation. Son algorithme, peaufiné depuis 2006 par les équipes de Todd Yellin, croise plus de 1 000 signaux : durée de visionnage, heure, device, mais aussi — grande nouveauté 2024 — humeur déclarée via des émojis dans l’app mobile (test en Espagne et au Canada). Le but : proposer une bande-annonce personnalisée et un visuel adapté à chaque profil.
La revanche des humains
Pourtant, la curation humaine regagne du terrain. Les tops « By AFCA » (Association française des critiques de séries) mis en avant chaque vendredi dans l’onglet Nouveautés génèrent +18 % de clics par rapport aux sélections algorithmiques (donnée interne Netflix France, juin 2024). Même logique sur Disney+ avec la rubrique « Les Indispensables de Sarah » — du prénom de la programmatrice maison, ex-Canal+.
Moralité : le tri algorithmique séduit par son efficacité, mais l’expertise éditoriale restaure la confiance. L’utilisateur veut une boussole, pas seulement un GPS.
Et demain : vers un streaming plus responsable ?
2024 a vu la grève historique des scénaristes de la Writers Guild of America s’achever sur un accord imposant un partage de données d’audience, inédit depuis la création de Netflix en 1997. Une petite révolution qui pourrait, à terme, redistribuer la valeur entre plateformes et créateurs.
Parallèlement, l’empreinte carbone du streaming inquiète : 306 TWh consommés dans le monde en 2023 (rapport IEA), soit l’équivalent de la consommation annuelle de l’Espagne. Netflix promet la neutralité carbone d’ici 2025, Disney+ évoque 2030. L’enjeu : optimiser la compression vidéo et encourager les serveurs « Edge » proches des utilisateurs (moins de distance, moins d’énergie).
Les pistes déjà sur la table
- Limiter la résolution par défaut à 720p sur mobile, comme le fait déjà YouTube.
- Développer des CDN régionaux basés sur des énergies renouvelables (projet Waterford en Irlande).
- Inciter au visionnage hors ligne, moins gourmand en bande passante.
D’un côté, le public réclame toujours plus de Ultra HD, de l’autre, la planète accuse la note. L’équation promet des arbitrages délicats — et un futur sujet brûlant pour la politique culturelle européenne.
Parenthèse perso
J’ai vécu l’arrivée de Netflix en France en 2014 comme on ouvre une fenêtre clandestine sur Broadway : soudain, l’éventail des récits s’élargissait au-delà des grilles de TF1 et M6. Dix ans plus tard, mon feed mélange La Casa de Papel, une docu-série sur Mark Ronson et des comédies brésiliennes produites à São Paulo. Je guette les escapades des formats courts — les « shorts » YouTube — qui, ironiquement, nourrissent l’envie de marathons. Preuve que la durée n’est qu’un prétexte : ce qui compte, c’est l’histoire, l’écho intime, la résonance collective.
Fermez l’app une seconde, laissez dériver vos oreilles : le prochain tube ou la série qui changera votre week-end n’est peut-être qu’à un scroll. Je vous donne rendez-vous très vite ici pour débusquer la prochaine pépite — parole de sérivore en service permanent.
