Un nouveau rapport sénatorial, demandé par le Premier ministre, recommande de taxer à nouveau les services de streaming musical, qu’ils soient gratuits ou payants, pour soutenir l’industrie musicale française en difficulté depuis plusieurs années. Cela pourrait entraîner une augmentation des prix des abonnements.
Il y a longtemps que l’on se pose la question de savoir comment soutenir le secteur de la musique française sans faire payer le consommateur. Avec l’avènement du streaming musical, qui a bouleversé tous les modèles économiques de la filière, la question est plus urgente que jamais. Le sénateur Julien Bargeton (Renaissance) travaille sur le sujet depuis octobre dernier à la demande de la Première ministre et propose de taxer à nouveau le streaming musical, qui est devenu le mode de consommation dominant pour la musique. Dans un rapport remis le 20 avril dernier, il préconise une taxe de 1,75 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming payantes (Spotify, Deezer, Apple Music) et gratuites comme YouTube et même TikTok. Cette taxe pourrait-elle être répercutée sur le prix des abonnements, ou entraînera-t-elle plus de publicité ? Le sénateur pense que la réponse est non. Cette taxe serait indolore pour le consommateur, les prix étant fixés au niveau mondial comme le montre le cas de Netflix et de sa contribution au Centre National du Cinéma. Dans son rapport, le sénateur revient également sur la création en 2020 du Centre National de la Musique (CNM), un organisme qui vise à redresser la barre du secteur. Le CNM se veut la version musicale du Centre National du Cinéma (CNC), qui permet au 7ème art de financer une partie de l’exception culturelle française.
Avec une taxation de 1,75%, une collecte supplémentaire de 20 millions d’euros
Cependant, une question demeure : malgré sa feuille de route ambitieuse, le Centre National de la Musique (CNM) manque de moyens pour la réaliser. Pendant la crise sanitaire, le gouvernement a déjà contribué à l’alimenter, mais il est nécessaire de trouver une source de financement pérenne. Pour l’heure, le CNM est financé principalement par une taxe de 3,5 % sur la billetterie du spectacle vivant, en plus des contributions ponctuelles de l’État. Les deux tiers de cette taxe vont directement aux professionnels du spectacle, tandis qu’un tiers va dans le pot commun de la filière. Le sénateur suggère donc de modifier cette répartition : la moitié de cette taxe serait désormais reversée dans le pot commun.
Toutefois, la taxe sur la billetterie du spectacle vivant actuellement en place ne suffit pas à remplir les caisses du Centre National de la Musique. En effet, le rapport sénatorial indique qu’il manque entre 30 à 40 millions d’euros pour financer l’organisme de manière pérenne. Pour éviter de mettre en place un nouveau financement de l’État, le sénateur Julien Bargeton préconise une taxe de 1,75 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming musical payantes telles que Deezer, Spotify, Apple Music, mais aussi des gratuites comme YouTube et TikTok. Ces sommes seraient alors reversées au budget général du CNM, ce qui permettrait de recueillir 20 millions d’euros supplémentaires, selon le sénateur.
Peut-on en finir avec l’éternelle question de la taxe sur le streaming musical ?
La proposition de taxer les plateformes de streaming musical n’est pas nouvelle. Déjà en octobre dernier, des députés de la Nupes avaient proposé une taxe de 1,5%, qui avait été rejetée par le Parlement et avait suscité la commande de ce nouveau rapport. Comme en octobre, l’idée d’une taxe a généré des réactions divergentes. Certaines organisations représentatives de l’industrie musicale ont salué cette proposition, estimant qu’il était nécessaire de diversifier les sources de financement du Centre National de la Musique. Cependant, ces mêmes organisations ont critiqué le taux proposé, qui selon elles devrait être plus élevé pour permettre une politique plus forte en faveur de la musique et du spectacle vivant.
D’autres acteurs de l’industrie musicale, comme le SNEP (Syndicat national de l’édition phonographique), ne sont pas convaincus par le rapport sénatorial sur la taxation des plateformes de streaming. Selon eux, ce rapport « laisse la musique dans l’impasse ». Le SNEP critique également l’analyse erronée du marché du streaming et de ses acteurs, faisant référence aux plateformes qui n’ont pas encore atteint le seuil de rentabilité, telles que Spotify ou Deezer. Pour le SNEP, ces acteurs seraient incapables d’absorber cette nouvelle taxe, contrairement à des acteurs comme TikTok ou Apple. Ils pourraient donc répercuter la taxe sur les prix des abonnements et perdre des abonnés au profit des plus grosses plateformes.